D’une certaine façon, toute personne qui se pose profondément des questions sur elle-même et sur le sens de la vie, ou qui tente simplement d’Être, est en chemin. Mais à quel moment cette personne commence-t-elle à échapper réellement à l’illusion de son mental et des phénomènes ? Pour savoir si le Chemin spirituel que nous empruntons n’est plus dans l’illusion, il existe 2 clés essentielles pour en attester. Il s’agit de la clé de l’attention et de la clé des états intérieurs. Je vous explique.
La clé de l’attention
Le Chemin spirituel commence réellement quand la notion d’attention est profondément comprise et intégrée. Avant, il s’agit de préparation au véritable Chemin. Pour comprendre la notion d’attention, il nous faut l’envisager à la fois comme un moyen et un but.
L’attention est un moyen accessible à tous… L’attention est la chose la plus simple et la plus accessible pour nous, ici et maintenant. L’attention est la base même de notre vie, sans que nous ne l’ayons jamais réellement remarqué. Chaque instant de notre vie est vivant et nous pouvons y goûter grâce à l’attention. Nous tous avons vécu des moments vivants, spéciaux, simples mais profonds. Alors chacun de nous a été en contact réel avec l’attention sans s’en rendre compte. L’attention est bien ce qui est le plus accessible maintenant, ici, tout de suite.
C’est un moyen très puissant car avec elle tout est possible. L’attention est au cœur des plus grandes mutations intérieures, des plus belles compréhensions, et des plus heureuses réalisations. L’attention est mystérieuse car son expérience est sans fond. Nous essayons ici de la définir, cependant elle ne saurait être circonscrite par le mental ni la pensée. En vérité, l’attention n’a pas de limite contrairement au processus de conception.
L’attention est un but car, in fine, elle se révèle à elle-même comme un paradis recherché. Un état de conscience sans objet. Paix, sérénité, Présence à l’instant, confiance, inspiration. D’une certaine façon, dans l’instant présent, l’attention se révèle « Être ». Et à ce moment là, il n’y a plus de chemin dans le sens où il n’y a plus à avancer vers un futur (une attente de nos prochaines réalisations). Mais simplement à approfondir en intensité un éternel Présent.
Qu’est-ce que l’attention ?
L’attention est quelque chose que vous ne voyez jamais car elle est toujours colorée de la substance sur laquelle elle se pose. Un peu comme un écran de cinéma.
Regardez, sentez.
Prenez le temps de regarder vos pensées. Vous voyez vos pensées mais pas l’attention. Posez-vous et sentez votre main. Vous êtes en contact avec la sensation mais pas avec l’attention. Pourtant à chaque fois, c’est l’attention qui a permis que se révèle dans votre conscience les pensées ou la sensation. Et c’est un point essentiel. Quand vous êtes mal, ou pris dans des soucis, des souffrances, vous ne voyez plus que cela et cela prend une importance capitale alors. C’est la même chose quand vous êtes convaincu d’une pensée ou d’une logique, ou quand vous êtes en colère ou triste. Et bien, d’une certaine manière, tout cela est une sorte d’illusion. Ou pour être plus exact, il s’agit de l’illusion de confondre un tout petit morceau du puzzle avec l’ensemble du puzzle. L’ensemble de votre être est alors coloré par ce qui a capté votre attention. Et vous n’êtes plus en tant qu’Être, vous devenez un objet comme une pensée, une émotion, une douleur.
C’est l’attention qui s’est portée sur la pensée, l’émotion, la conviction, ou le jugement, qui donne cette impression de vérité, de totalité. Comme si la lumière portée par l’attention mettait dans le noir tout le reste. C’est un effet de contraste et d’identification. Et tout le mystère est ce qui réside dans le noir caché, méconnu, alors que c’est finalement une part essentielle de ce que nous sommes. Ce n’est pas la faute de l’attention qu’il y ait cette obscurité. L’obscurité est là parce que nous n’avons pas été initié à la réalité de l’attention. Nous utilisons très mal l’outil de l’attention. Comme un couteau que nous persévérons à tenir par la lame.
L’attention peut se révéler à elle-même. Cela peut se produire quand se décante en nous l’agitation de nos pensées et de nos émotions. Par une sorte de retournement intérieur, l’attention peut se dévoiler d’abord comme une sorte de substance subtile existant par elle-même. Puis, dans un mystère qui fonde le cœur du processus spirituel, peut être appréhendé l’attention qui capte l’attention. Ce qui en nous regarde l’attention en tant que substance fine. C’est regarder l’œil qui regarde. C’est s’ouvrir à l’Infini.
Maintenant, il est relativement aisé, si l’on s’en donne vraiment les moyens, de voir pendant un instant un peu de la nature de l’attention se dévoiler. Voir l’attention comme une substance autonome. La première fois, cela surprend. Puis cela donne un sentiment nouveau de liberté. Mais ces moments sont fugaces et risquent d’être rapidement oubliés ou enfermés dans notre case mémoire. Or, la force de ces moments n’existe que dans l’instant de leur expérience renouvelée.
La clé des états intérieurs
Une étape clé de la pratique qui est très rarement évoquée, c’est reconnaître les 3 grands types d’états au décours d’une méditation. Pourquoi parler de méditation ? C‘est parce qu’au départ, la méditation est un merveilleux laboratoire qui offre les conditions optimales d’observations. Observer pour comprendre, puis réaliser et se réaliser. Cela est aussi possible à chaque instant, sans que nous ayons besoin de créer un espace et un cadre pour cela, mais c’est un peu plus difficile.
L’état d’endormi ou d’identifié
Il s’agit des moments où nous sommes agités, excités, obnubilés, tendus, pris par un problème ou un soucis. Englouti dans une émotion positive ou négative, ou simplement léthargique, ou trop fatigué. C’est l’état qui nous excède quand nous commençons à l’identifier. Cet état qui nous agace est une étape indispensable. L’observation de cet état pendant la méditation est une étape précieuse car commencer à voir cet état ou lutter contre cet état, c’est déjà commencer à s’en décoller. Voir, c’est commencer à en prendre conscience. C’est réaliser progressivement que la conscience peut se révéler, même à partir d’un tel état. Tout est donc possible à chaque instant. Même s’il faut se donner le temps d’accueillir toujours plus, jusqu’à ce qu’une ouverture se présente.
Il est conseillé de ne pas rejeter ses tensions, pensées, émotions dans le but d’accéder à quelque chose d’Autre. Car cela génère une tension et une scission en nous, qui vient se surajouter à nos tensions déjà là. Cela crée aussi une scission dans notre vie quotidienne, entre ce que je suis à cet instant et ce que je voudrais être dans l’idéal. Il est conseillé plutôt d’accueillir cela comme des supports, pour que se révèlent cet Autre chose dans lequel ces tensions vont progressivement se dissoudre. Pour autant, il existe différentes techniques et approches qui peuvent intégrer la notion de tension et de scission pour générer en l’aspirant un point de rupture, parfois nécessaire pour que certaines réalisations se libèrent de leur voile de l’illusion.
L’état de bien-être
Au décours de la méditation arrive toujours, à un moment ou un autre, un état dans lequel on se sent bien. C’est un bien-être fait de détente ou de lumière ou de paix. Cet état est bienvenu pour notre corps et notre psychisme, car il est une coupure avec le stress de nos vies.
Cependant, il s’agit là d’un piège pour celui et celle qui cherche à avancer sur un chemin spirituel. Car le contentement du corps et du psychisme sont une illusion quand ils ne sont pas éclairés par la conscience. Je veux dire par là que rechercher ces états nous conditionnent à rester prisonniers des phénomènes et finalement de la souffrance de notre Être. L’état de bien-être est effectivement une pause dans une vie de stress, mais il ne permet pas que de profondes mutations se mettent en place en nous. Il ne permet pas que notre vie deviennent éclairée en dehors de la méditation, que nous soyons délivrés de notre mental, que nous touchions réellement au cœur du spirituel à en être transfiguré ici et maintenant.
La Présence
La Présence se distingue de l’état du bien-être par l’émergence d’une Conscience particulière : quelque chose qui nous rapproche d’une nature profonde de la Réalité, la Conscience sans objet. Là, à ce moment, il se passe quelque chose d’exceptionnel, même si nous ne le réalisons pas tout de suite. Et c’est là tout le processus mystérieux d’un cheminement spirituel, que la zone de séparation entre Présence et non-Présence. Cette zone est floue, et nécessite un accompagnement pour clarifier ce qui est Clarté du reste.
Dans la pratique quotidienne, le début de l’émergence de la Présence se fait souvent au sein même d’un état de bien-être. Alors, il est difficile de comprendre ce que l’on vit. Par la Présence, l’Être reçoit une plénitude, mais le mental se l’accapare et l’identifie avec les autres sensations de simple bien-être. Il est ainsi essentiel d’apprendre à distinguer ce qui est bien-être et ce qui est Présence pour que le goût de la Présence se développe et puisse nous guider à chaque instant.
Avoir intégré les clés de l’attention et de l’état intérieur est la marque indéniable du commencement d’un Cheminement profond et véritable.
Stéphane Morelle