Notre monde intérieur est déséquilibré par la trop grande importance de l’intellect en nous. L’excès de l’intellect nous empêche de réaliser pleinement l’ensemble de nos potentiels humains. Notamment celui de se sentir réellement relié aux autres, à la nature, et co-responsables de ce lien. Mais aussi d’être heureux et comblé dans la simplicité. Ou encore d’accepter de se laisser traverser pour Être et créer. L’excès de l’intellect est source, en nous-même, de frustration car il est un obstacle à notre compréhension de la Vie. Je vous explique pourquoi et vous donne un outil pour commencer à rééquilibrer cela en vous-même.

Tout notre société est imprégnée par l‘intellect et ses produits (voir L’excès de l’intellect dans la vie moderne). Cette imprégnation sociétale témoigne aussi de notre propre monde intérieur. L’intellect a un rôle à jouer dans notre vie psychique mais le problème c’est qu’il y prend actuellement trop de place. Nous avons le plus grand mal à nous en rendre compte parce que cela est devenu une norme. Pour autant, cette norme nous ampute de beaucoup de potentiels intérieurs.

Ce déséquilibre, qui s’est établi en nous, fausse notre vision du monde et notre façon de réagir face aux événements.

Commencer à constater.

Le déséquilibre de notre intériorité généré par l’intellect se manifeste de multiples façons. La plus évidente à voir est notre façon de vivre chaque jour dans l’urgence. Nous agissons, si souvent, avec une obsédante célérité comme poussés par une obligation vitale. L’urgence s’inscrit dans notre quotidien comme un mode de vie. Cela correspond à l’impression qu’il faut tout faire en même temps et qu’il faut privilégier de facto le quantitatif sur le qualitatif. L’urgence moderne, c’est la croyance qu’il n’y a pas d’autre choix possible. Tout cela est caractéristique de l’activité du mental. Et cela nous tue à petit feu.

Cette agitation est imposée au départ par des contraintes sociétales et technologiques, notamment de rentabilité. Mais ensuite, par la force de l’habitude et par conditionnement, l’agitation devient une façon d’être. Et on privilégie alors un certain aspect de notre centre intellectuel pour nous conduire à toujours accélérer et agir en superficialité. Et ce, même quand le tempo ne l’exige plus. Ainsi, la plupart du temps, nous devons acheter vite car c’est les soldes. Se déplacer vite car on est en retard. Manger vite car on a d’autres choses à faire après. Parler à mille interlocuteurs à la fois puisque nous sommes sollicités de partout (publicité, travail, famille). Consommer vite, tant que c’est à la mode. Travailler vite pour se reposer après. L’impression d’urgence, c’est croire à la nouveauté comme valeur. C’est croire que le nombre de tâches à accomplir dans une journée prime sur la façon de les faire.

Tout cela est le propre du mental, c’est ce qu’il aime faire. Le centre intellectuel, dont le mental fait parti, a pour spécialité de gérer plusieurs informations en même temps (surtout si celles-ci sont superficielles et simples). Cela correspond, par exemple, à la capacité de répondre au téléphone tout en regardant la télévision et en réchauffant son repas; aucune de ces actions n’est réellement approfondie.

Le mental est avide d’informations, de nouveautés, de stimulations à tout va. Cet emballement, cette agitation fait partie de la nature même du mental. Il aime s’y complaire. Il nous maintient alors dans ce système, plongeant notre vie dans une progressive aberration. Une fuite en avant sans fin.

Un outil

Il est possible d’accéder à un nouvel équilibre intérieur avec moins d’intellect. Un nouvel équilibre pour nous ouvrir à de nouveaux potentiels, jusqu’alors masqués. Pour accéder à une telle solution, il nous faut un outil adapté. Il nous faut arriver à identifier réellement comment fonctionne l’intellect, pour que nous puissions ensuite nourrir en nous, avec certitude, ce qui ne l’est pas.

Et cela n’est possible que par la discrimination, et par la comparaison avec ce qui n’est pas intellectuel. Pour cela, la grille de lecture des centres, développée par G.I. Gurdjieff (grand Maître spirituel du XXème siècle de la Voie de la Conscience dont l’enseignement révèle notamment une connaissance globale complexe, dont chaque terme est relié à un essentiel), est très utile. À la base, cette grille est utilisée pour une observation consciente dans un but de connaissance de soi, intégrée à une pratique spirituelle (comprendre ce que l’on n’est pas et ce qui est en nous. Éveil à l’Être). Ici, je vous présente une version simplifiée pour commencer à accéder à un plus juste équilibre intérieur.

Définition

Le mot intellect se voit interprété de différentes façons selon l‘orientation qu‘on lui choisit : spirituelle, psychologique ou neurobiologique… Et chaque domaine a même, quand il faut être précis, ses multiples conceptions du mot. Nous choisissons ici de le définir en adéquation avec ce que nous nommons le centre intellectuel. Selon G.I. Gurdjieff, on peut décrire le fonctionnement de l’homme, chacune de ses manifestations intérieures et extérieures, comme appartenant à trois modalités particulières. Nous considérons ces modalités comme des centres qui reçoivent et traitent les informations du monde extérieur et intérieur pour ensuite nous agir. Chaque centre travaille d’une façon qui lui est propre, caractérisée par une forme de perception, de compréhension, et d’agir.

Il s’agit du centre intellectuel, du centre émotionnel et du centre instinctivo-moteur (nous simplifierons en ne tenant compte que du seul centre instinctif). Dans l’absolu, il n’est pas de centre qui soit meilleur que les autres car chacun a sa place dans un rapport adéquat avec l‘ensemble. En effet, c’est dans leur équilibre que l’homme trouve l’harmonie suffisante pour commencer à réellement voir le monde d’une manière plus juste. C’est un peu comme si nous voulions peindre un paysage avec une seule des couleurs primaires. Seules les trois couleurs réunies donneront une possibilité de reproduction authentique de la réalité. Il s’agit d’une grille de lecture dont la réalité subjective et l’utilité sont d’ordre psycho-spirituel. Son intérêt réside dans son efficacité à nous ouvrir à des constats simples mais très puissants pour nous permettre de prendre du recul (d’abord sur le plan psychologique, puis spirituel).

Le centre intellectuel

Le centre intellectuel correspond au fonctionnement des pensées : ce sont des représentations d’idée et de concepts sous formes de phrases (plus ou moins consciente, subconsciente ou inconsciente dans notre tête). Cela correspond à notre capacité d’analyser, quantifier, identifier, catégoriser, organiser, classer, hiérarchiser, faire des liens logiques puis des déductions : «  je crois qu’il est plus grand que toi », « le panneau indique un sens unique », « mon coach m’a conseillé de manger plus de mangue », « il faut que je sois à 8h00 au rendez-vous »

Le centre émotionnel

Le centre émotionnel correspond au fonctionnement des émotions : amour, sérénité, paix, compassion, gaieté, joie, honte, jalousie, tristesse, chagrin, désespoir, mélancolie, peine, effroi, peur, crainte, frayeur, terreur, colère, fureur, haine, rage. Il ne s’agit pas forcément de tout ce que l’on considère parfois comme des émotions. Par exemple, le « j’aime, j’aime pas » peut appartenir à chacun des 3 centres, comme le désir, et parfois la surprise. La perplexité, l’indifférence ne sont pas ici une émotion. De façon imagée, nous pouvons dire que les émotions, c’est ce qui touche au cœur.

Le centre instinctif

Le centre instinctif correspond au fonctionnement des sensations et instincts du corps : la faim, les sensations du corps (toucher, odorat, goût, thermoception, proprioception), le désir sexuel, les automatismes moteurs simples et complexes (conduire, manier un ciseau à bois ou une truelle … ). Cela concerne aussi nos perceptions instinctives (« animales ») de l’environnement (comme le danger, l’agressivité, les bonnes ou mauvaises énergies, ce qui fait du bien à notre corps…). La vue et l’audition ne sont pas propre au centre instinctif.

Cette présentation est voulue schématique pour bien discerner dans cette lumière crue les différents contrastes. Car il peut sembler évident à tout un chacun de savoir ce qui est de l’ordre de la pensée, de l’émotion, ou de l’instinct, mais en vérité cela est difficile car les nuances, en pratique, sont complexes. Et surtout, à chaque instant, nous portons en nous, à la fois des pensées, des émotions et des instincts. Tout cela est mélangé, même s’il y a toujours une note dominante dans ce champs chaotique. Et par ce fait, nous avons une représentation souvent erronée de ce qui nous agit. Commencer à clairement identifier ces manifestations primaires en nous, apporte une lumière sur ces phénomènes souvent subconscients. À partir de ce moment, les choses ne se font plus totalement automatiquement, dans les secrets de notre pénombre.

Plus tard, nous pourrons voir qu’au-delà des manifestations primaires de ces centres, il y a tout un ensemble de fonctionnement plus complexe à identifier. Voici un exemple concret de réactions des différents centres devant une même situation. Devant une rose, le centre intellectuel en nous va admirer et identifier clairement les formes et couleurs pour pouvoir comparer. Le centre émotionnel en nous pourra être envahi par l’éclat de joie irradiant du contact du rayon de soleil avec un pétale. Le centre instinctif en nous aura plaisir à toucher la douceur satinée d’un pétale et à humer la fraîche fragrance.

https://www.youtube.com/watch?v=WOoTg09NhxM&t=2s

Complexité du problème.

L’influence de l’intellect est complexe. Il sait par certaines de ses qualités nous attirer dans ses filets. Et nous nous égarons. Par exemple, le domaine artistique est complètement envahi par le centre intellectuel. Là où nous imaginons voir une beauté qui éveille notre sentiment ou notre être, se trouve souvent une emprise intellectuelle.

L’attrait qu’exerce l’intellect par sa vision du beau est une réalité. Il y a une esthétique indéniable dans certaines œuvres de l’intellect même si celles-ci ne nourrissent ni le sentiment ni l’être. Cette esthétique est la création d’un aspect très subtil de l’intellect sans rapport avec le fonctionnement grossier du mental. Essayons de comprendre cette forme de beauté pour percevoir un des attraits qu’exerce indubitablement l’intellect avec un exemple d’architecture moderne.

Une œuvre de Günther Domenic (1934-2012) : Steinhaus at Lake Ossiach, Germany

Cette œuvre est un exemple typique du genre d’esthétique que l’intellect peut faire surgir du néant. Cette beauté se définit par sa complexité et l’impression de voir quelque chose de complètement « nouveau ». Les lignes architecturales ainsi que les formes de base sont simples et géométriques. L’ensemble constitue une sorte d’équation savante. Une association de silhouettes et tracés clairement identifiables qui s’enchaînent dans l’espace dans une logique certaine, d’évidence non naturelle. Non naturelle car ces formes de base ainsi que leur succession n’ont leur pareil nulle part dans la nature.

Cette équation architecturale faite d’éléments différents unis dans une logique nouvelle crée en nous une impression de complexité. Celle-ci nourrit un certain aspect de notre intellect justement par cette dialectique. L’intellect aime ces informations visuelles qui s’entrelacent dans un langage simple mais à la syntaxe ardue. Cela donne cette impression de continuité cachée, de logique en suspend; la définition même d’une beauté intellectuelle. Il est donc possible de se former à l’appréciation de ces œuvres en développant en nous cette fonction de l’intellect.

  L’art moderne s’affranchit du monde naturel par un processus de l’ordre de l’idée intellectuelle. L’artiste pour cela se fonde sur le concept de « nouveau » et sur un langage arbitraire qu‘il définit lui-même. Ce faisant le centre intellectuel détourne l’Art de son essence. L’idéal de l’art est non seulement l’émancipation au naturel mais surtout la sublimation, l’exaltation et l’élévation de l’être par une beauté semblant être issue du naturel mais y échappant. La différence semble abyssale ; l’art moderne n’apportant rien à l’être quand il ne lui nuit pas en s’imposant dans le quotidien des hommes. Cet art est donc bel et bien par nature déséquilibré et par voie de conséquence déséquilibrant. Toute œuvre ne pouvant échapper à certaines règles générales d’harmonie universelle.

Mais il est possible de construire en donnant la place à d’autres centres en nous. Pour que le résultat soit plus cohérent avec notre Être, et nourrisse d’autres aspects en nous-même. C’est le cas de beaucoup de structures Traditionnelles (comme certaines pagodes) mais aussi de recherche moderne comme l’Habitat bio-inspiré. C’est le cas avec le Projet ecotone à Arcueil . On peut voir la fluidité et l’harmonie des lignes. Ressentir l’ouverture naturelle sur le plan des énergies. Et goûter à la paix générée par une telle architecture qui nous rapproche, non d’une stimulation excitante mais d’un ancrage serein.

Équilibrer son monde intérieur.

Équilibrer nos centres intérieurs, c’est apprendre à mieux sentir, ressentir. Et ainsi mieux relativiser l’importance de l’intellect. C’est apprendre à reconnaître tous ces forces psychiques pour ce qu’elles sont : une facette de la réalité.

Équilibrer son monde intérieur, c’est approfondir notre sentiment et notre instinct. C’est accéder à des modes d’épanouissement différents et complémentaires. Le sentiment est une source de connaissance par l’union, l’ouverture, l’abandon. L’instinct est une source de connaissance par la nature.

Comment ?

Pour approfondir l’aspect instinctif, cela passe par notre lien au corps. Il s’agit de développer notre relation réelle et factuel aux sens dans leurs apports dans la créativité (l’intelligence corporelle de la danse, du bricolage, du soin…). C’est se relier aux énergies en nous (cf. les énergies dans le corps pour développer sa pleine conscience).

Pour approfondir l’aspect émotionnel, nous pouvons développer notre capacité à ressentir pour l’autre, à nous ouvrir à la beauté cachée (de la musique, des émotions, du partage…). À intégrer de façon intuitive tous nos savoirs en un, grâce à la pensée créatrice (cf. livre : La Communication par la Pensée Vibratoire) véritable boussole sur notre chemin intérieur.

Pour apprendre à maîtriser l’intellect, il faut s’ouvrir à la dimension spirituelle de l’attention (cf. vidéos : Sortir du mental, arrêter de trop penser).

Pour aller plus loin, lire l’intellect et la voie spirituelle.

Stéphane Morelle

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